Les prévisions de la saison des pluies 2023 dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest ont été présentées le 28 avril à Niamey, lors du Forum des Prévisions Saisonnières des caractéristiques Agro-hydro-climatiques de la saison des pluies pour les zones Soudanienne et Sahélienne (PRSEASS, 2023). Il ressort qu’au cours de cette année, une saison des pluies globalement moyenne à humide est attendue au Sahel, avec des dates de démarrage précoces à normales, des dates de fin tardives à normales, des séquences sèches moyennes dans la partie Ouest et à tendance plus longues dans la partie Est et des écoulements globalement excédentaires à moyens dans les principaux bassins fluviaux du Sahel.
A quoi les producteurs des pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest doivent-ils s’attendre au cours de la saison des pluies qui s’annonce ? Pour répondre à cette interrogation et permettre au monde agricole et aux décideurs de s’y préparer en conséquence, le Centre Climatique Régional pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (AGRHYMET CCR-AOS) du CILSS, a présenté les résultats de ses prévisions pluviométriques 2023 pour la région le 28 avril dernier à Niamey, à l’occasion du Forum 2023 des Prévisions Saisonnières des caractéristiques Agro-hydro-climatiques de la saison des pluies pour les zones Soudanienne et Sahélienne (PRSEASS, 2023).
Pour ce qui est des cumuls pluviométriques, il ressort que, sur la période de mai-juin-juillet 2023, les quantités de pluies attendues seraient excédentaires à moyennes dans la partie extrême Ouest du Sahel, à savoir le Cap Vert, le Sénégal, l’ouest de la Guinée et le sud-ouest de la Mauritanie et dans le Sahel Centre, notamment au Mali et dans la partie nord du Burkina Faso. Dans les autres parties de la région, les pluies y seraient globalement moyennes sur la même période.
Par contre, sur les périodes juin-juillet-août et juillet-août-septembre 2023, la bande sahélienne serait plus humide, avec des quantités de pluies excédentaires sur le Mali, le Sud Mauritanie, le Nord Guinée, le Burkina Faso et l’extrême Ouest du Niger et moyennes à excédentaires sur le Cap Vert, le Sénégal, le Sud-ouest Mauritanie et sur tout le reste de la bande sahélienne couvrant le Niger, le Sud Tchad et les parties Nord du Togo, du Bénin, du Nigéria et du Cameroun.
Au niveau du démarrage de l’hivernage, il est prévu des dates de début de saison précoces à moyennes sur le Sahel Ouest, y compris les îles du Cap Vert, et le Sahel Centre. Sur le Sahel Est et la bande soudanienne, les dates de début de la saison 2023 seraient plutôt globalement moyennes à précoces par endroit, notamment dans les parties Sud de la Sierra Leone, de la Guinée, du Mali, du Burkina Faso, du Tchad, sur l’extrême Est du Niger et les sur les parties Nord du Libéria, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigéria.
S’agissant des dates de fin de saison, elles seraient tardives à moyennes sur les bandes sahélienne et soudanienne de l’Afrique de l’Ouest et du Tchad, sauf dans l’extrême Nord-ouest du Niger, le Nord Burkina Faso, le Centre du Mali, le Sud Mauritanie et les parties Extrême Sud de la Sierra Léone, de la Guinée, du Burkina Faso, les parties Nord du Libéria, de la Côte d’ivoire, du Ghana, et du Togo, où elles seraient globalement moyennes.
Des périodes sèches en vue
Les prévisions météorologiques indiquent également qu’au cours de la saison pluvieuse de 2023, les pays de la région vont connaitre des poches de sécheresse. Ainsi, il est attendu des durées de séquences sèches moyennes à plus longues en début de saison, sur les bandes sahélienne et soudanienne de l’Afrique de l’Ouest et du Tchad, avec une forte probabilité d’observer des pauses pluviométriques plus longues sur la moitié Est de ces bandes couvrant le Sud du Burkina Faso, presque sur toute la bande agricole et pastorale du Niger et du Tchad et les parties Nord du Togo, du Benin et du Nigéria. Dans les parties Nord du Ghana, de la Côte d’ivoire et du Libéria, elles seraient plutôt courtes à moyennes. Cependant, durant la deuxième moitié de la saison des pluies, ces séquences sèches seraient moyennes à longues par endroit en Afrique de l’Ouest et au Tchad.
Enfin, en ce qui concerne les écoulements des eaux, des écoulements globalement équivalents à supérieurs à la moyenne de la période de référence 1991-2020 sont attendus dans les hauts bassins du Sahel et des écoulements équivalents à inférieurs à la moyenne sont attendus dans les parties inférieurs de ces bassins. Les écoulements excédentaires sont spécifiquement attendus dans le bassin de la Gambie, le bassin de la Falémé (affluent du Sénégal), le Delta intérieur du fleuve Niger au Mali, le bassin moyen du fleuve Niger, la Komadougou Yobé, le moyen Chari, le bassin inférieur du Chari-Logone.
Les écoulements moyens à excédentaires sont prévus dans le Haut bassin du fleuve Niger (en Guinée, Côte d’Ivoire et Mali), le haut bassin du Chari, le Niger inférieur, les sous bassins de Bafing et de Bakoye (bassin du Sénégal), les bassins de Mono (Togo et Bénin) et de l’Ouémé (Bénin) et dans le haut et l’ouest du bassin de la Volta. Quant aux écoulements moyens à déficitaires, ils sont prévus dans les bassins du Sassandra et du Bandama en Côte d’Ivoire, la Comoé inférieure, le haut bassin du Logone et dans la partie orientale de la Volta (Bénin, Burkina Faso, Togo et Ghana). Ces prévisions saisonnières ne sont pas statiques mais dynamiques et vont faire l’objet de mises à jour périodique, a souligné le Chef du département information et recherche de AGRHYMET, Dr Abdou Ali.
Prendre des mesures de résilience
Face à ces projections et les risques qui pourraient en découler, les experts ont formulé des recommandations à l’endroit des producteurs et des décideurs. Pour prévenir les risques d’inondations, et partant de pertes de récoltes, de biens matériels et de vies animales et humaines, ils ont conseillé, entre autres, de renforcer la communication des prévisions saisonnières et de leurs mises à jour, la veille et les capacités d’intervention des agences en charge du suivi des inondations, de la réduction des risques de catastrophes et des aides humanitaires, d’éviter l’occupation anarchique des zones inondables aussi bien par les habitations que par les cultures et les animaux, de renforcer les digues de protection et assurer la maintenance des barrages et des infrastructures routières, de curer les caniveaux pour faciliter l’évacuation des eaux de pluies.
Pour contrer les risques de maladies liés aux prévisions saisonnières, les experts ont suggéré, entre autres, de renforcer les capacités des systèmes nationaux de santé et des plateformes nationales de réduction de risques de catastrophes, de sensibiliser et de diffuser des informations d’alerte sur les maladies à germes climato-sensibles, en collaboration avec les services de météorologie et de santé.
Quant aux mesures de prévention contre les risques de sécheresse, il est recommandé aux producteurs de diversifier les pratiques agricoles, à travers la promotion de l’irrigation et du maraîchage, de choisir les espèces et variétés de cultures tolérantes au déficit hydrique, d’adopter des techniques culturales de conservation des eaux et des sols, de prévenir la prolifération de la chenille mineuse de l’épi du mil, etc.
Et pour permettre aux agriculteurs, éleveurs, gestionnaires des ressources en eau, projets, ONG et aux autorités de mieux tirer profit de la saison pluvieuse 2023, qui présage une situation globalement humide dans certaines parties, les spécialistes ont conseillé de valoriser les situations d’écoulements moyens à excédentaires, d’investir davantage dans les cultures à hauts rendements tolérantes vis-à-vis des conditions humides (riz, canne à sucre, tubercules, etc.), de mettre en place des dispositifs de collecte et de conservation des eaux de ruissellement, de soutenir le déploiement de techniques climato-intelligentes d’augmentation des rendements des cultures et des fourrages.